“Toutes les femmes entrepreneuses autour de moi sont des inspirations au quotidien. Elles font face et vivent des situations similaires aux miennes, elles apprennent à rebondir et à avancer chaque jour du mieux qu’elles peuvent, de manière juste.”
- Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
J’ai la chance d’avoir un métier passion : je suis la fondatrice d’EKIWORK, une entreprise dont la raison d’être est de sensibiliser le plus largement possible aux comportements sexistes au travail. En effet le sexisme à un coût, aussi bien pour celles et ceux qui le subissent que pour les organisations : absentéisme, turnover, image de marque, difficulté à recruter, contentieux… Chez EKIWORK nous pensons que faire face au sexisme c’est rendre les femmes et les hommes plus libres et donc créer de la valeur !
- Quel a été votre parcours ?
Après un master en école de commerce, j’ai été cheffe de projet informatique dans différentes entreprises pendant huit ans. De nature rigoureuse et carrée, le métier de cheffe de projet me convenait bien. Je travaillais dans de grandes entreprises et j’aimais ça, c’était comme faire partie d’une grande famille. Cependant certaines organisations peuvent aussi malmener les individus.
De nature passionnée, j’ai toujours été très sensible à la valeur de justice et au respect de chacun·e, j’avais besoin de m’investir à fond dans un projet plus profondément et directement lié au bien-être des femmes et hommes. Et j’ai choisi de sensibiliser en entreprise car c’est une référence dans la société aujourd’hui. L’entreprise a du pouvoir, elle est donc pour certain·e·s un modèle à suivre. Elle influence la société.
- Pourquoi avoir lancé votre structure ?
Il y a eu plusieurs éléments déclencheurs, notamment un événement survenu sur mon lieu de travail : un homme haut placé qui m’a adressé une blague à caractère sexuel dans un ascenseur et ce devant mon responsable hiérarchique qui n’a pas réagi. Sidérée, dans l’incapacité de répondre, j’ai ressenti de l’impuissance et une certaine solitude : mes collègues semblaient comme cautionner ces propos « … en même temps, tu as vu comment tu étais habillée ? ».
- En quoi être une femme est selon vous un avantage ou un inconvénient dans le monde entrepreneurial ?
Dans notre société, par plein d’aspects, être une femme n’est pas un avantage à mon sens et encore moins dans le monde entrepreneurial. Les compétences entrepreneuriales sont considérées comme des compétences dites d’hommes : prendre la parole en public, avoir du leadership, être tenace et endurant…
Très vite, pendant la construction d’EKIWORK, j’étais accompagnée d’un très fort sentiment d’imposture. Lorsque vous vous lancez dans l’aventure entrepreneuriale, vous rencontrez beaucoup de gens qui vous conseille et qui pensent savoir mieux que vous ce que vous devriez faire. C’est encore plus flagrant lorsque vous êtes une femme. Des personnes qui ne connaissent rien de votre secteur, du besoin auquel vous répondez, vous expliquent comment vous devriez faire.
Récemment j’entendais parler Lou Douillon qui disait « Quand j’étais jeune, on disait que les filles devaient en faire deux fois plus pour être à moitié prises au sérieux. ». Son propos résonne beaucoup avec ce que j’ai pu vivre et que je vis encore. Je tiens cependant à noter qu’il existe aujourd’hui beaucoup de programmes d’accompagnement (aide, financement) dédiés aux entrepreneuses. Ça, en revanche c’est un plus important.
- Quels seraient les trois conseils que vous donneriez à une femme entrepreneure ?
Sans hésiter, mon premier conseil serait de vendre tout de suite. Le jour où tu décides de te lancer, il faut que dès le lendemain tu appelles un·e client·e afin de tester ce que tu as en tête.
Ensuite, penser marathon et non course de vitesse : tout prend du temps et il faut être patient·e. Ne pas se décourager et continuer de croire en ses idées.
Enfin, s’entourer. Il faut pouvoir compter sur des personnes accessibles et disponibles, se positionnant d’égale à égale avec nous. Des personnes qui challengent nos idées. Il faut aussi s’entourer de personnes qui font face aux mêmes problématiques que nous.
- Quelle a été votre plus belle réussite dans votre carrière de femme entrepreneure ?
Le jour où j’ai réussi à virer de bord ! Pendant six mois, nous avons travaillé à la réalisation d’un serious game. Une fois les maquettes réalisées, je me suis aperçue que c’était invendable. Le produit était trop compliqué, je ne savais même pas comment le vendre.
J’ai mis une semaine à tout repenser. Je voulais sortir du digital et basculer en présentiel : beaucoup plus simple à tester pour commencer. Dans la foulée, je me suis allée dans plusieurs entreprises pour tester l’idée, échanger, mieux comprendre les besoins de nos bénéficiaires et adapter notre service en ce sens. Cela m’a donné une énorme confiance dans ma capacité à rebondir. C’est une des principales qualités que l’on demande à une entrepreneuse : s’adapter. Quelque chose n’a pas marché et bien, je propose autre chose !
- Quelle est la femme entrepreneure qui vous inspire le plus ?
Toutes les femmes entrepreneuses autour de moi sont des inspirations au quotidien. Elles font face et vivent des situations similaires aux miennes, elles apprennent à rebondir et à avancer chaque jour du mieux qu’elles peuvent, de manière juste.
Je peux également citer quelques femmes mentores, que j’ai croisé au cours de mon parcours : des personnalités avec beaucoup de caractère, très ancrées, solides et alignées.
- Quels sont les problèmes que vous avez rencontrés en tant que femme au moment de la création de votre entreprise ?
Je ressentais un manque de légitimité sur le fond et sur la forme de mon projet. Comment pouvais-je parler de prévention du sexisme, de formation professionnelle pour adultes sans diplôme attestant de mon expertise ?
On apprend aux femmes à ne pas prendre de risque et à être parfaite, ce qui nous rend très exigeante avec nous-mêmes… A l’inverse des hommes à qui l’on apprend à oser et à agir.
- Quelles ressources auriez-vous aimé avoir à disposition pour vous accompagner dans la création de votre entreprise ?
Le manuel de ma première vente, un outil très pratico pratique : comment vendre mon service là maintenant tout de suite dès le lendemain de sa conceptualisation.
J’aurai aimé que l’on me dise d’aller sur le terrain pour me confronter à mes interlocuteurs et interlocutrices tout de suite. Que l’on me répète, régulièrement, que c’est ok si cela ne fonctionne pas au départ, que c’est un passage quasiment obligé.
- Comment voyez-vous le monde après le virus ?
Le monde sera comme hier mais en un peu plus éclairé ! La vie est continue : il n’y aura pas de grosse rupture à mon sens. Je pense cependant qu’il y a déjà une volonté plus forte et d’un plus grand nombre de favoriser un monde plus durable que celui dans lequel nous vivons actuellement.