“Entreprendre est toujours un prétexte pour quelque chose : il faut juste comprendre de quoi. Pour moi, il s’agissait d’un contact de qualité avec les gens.”
- Qui êtes-vous ?
Je suis restauratrice du Politicafé depuis trois ans. Mon ambition était de créer un lieu accueillant, qui puisse accueillir des réunions ou des débats tout en proposant un service de restauration. La nourriture et la politique restent pour moi indissociablement liées et fédératrices, surtout pour la France qui reste très politisée par rapport à d’autres pays. On vote avec sa fourchette, en choisissant aussi bien l’origine des ingrédients que leur nature.
Je suis également astrologue. Je réalise des analyses de thème astral et j’ai lancé le podcast Z comme Zodiaque, qui permet de découvrir l’astrologie.
- Quel a été votre parcours ?
Après mon baccalauréat, j’ai étudié à Sciences Po pendant cinq ans et ai terminé mon parcours avec un Master en Institutions Européennes. J’ai intégré ensuite RFI / France 24 en tant qu’attachée de presse, où j’ai travaillé sur des thématiques plus culturelles. Au bout d’un an, j’ai choisi de me réorienter, en passant un CAP Pâtisserie en apprentissage, au CFA de Bobigny.
J’ai travaillé comme pâtissière pendant cinq ans, au sein de différentes traiteurs, pour parfaire mes connaissances. J’ai ensuite lancé le Politicafé.
Passionnée par l’astrologie depuis l’enfance, j’ai lancé le podcast Z comme Zodiaque en 2018 pour vulgariser toutes les facettes de cette discipline via des épisodes courts, ludiques et accessibles à tout.es. Suite aux retours très positifs sur mon podcast, je propose des consultations pour les thèmes astraux.
- Pourquoi avoir lancé votre structure ?
Dans un premier temps, je voulais créer un endroit que je ne trouvais pas ailleurs, mêlant restauration et politique. Je sais pourquoi je me lève tous les matins : mon entreprise a un sens.
Je souhaitais également être ma propre responsable et l’entrepreneuriat est enthousiasmant : nous devenons un véritable couteau suisse, où nous maîtrisons de A à Z un projet. Être entrepreneure nous permet d’apprendre de nos erreurs bien plus vite qu’en étant salariée car chaque décision, bonne ou mauvaise, nous impacte directement. Tout prend un sens, assez vite.
- En quoi être une femme est selon vous un avantage et/ou un inconvénient dans le monde entrepreneurial ?
Selon moi, le système ne nous avantage que peu : très peu de choses sont mises en place pour les femmes. Les réseaux féminins sont en train de se construire mais les hommes détiennent les mêmes et, étant plus anciens, ils sont plus performants.
Malgré des progrès, le monde reste fondamentalement sexiste, où aucun milieu n’est épargné. Les prises d’initiative de femmes restent peu acceptées et valorisées car il s’agit d’actions au démarrage attribuées aux hommes. Il est difficile de savoir comment se positionner : être volontaire et combative pourra vous desservir, en vous attribuant la casquette d’hystérique. De l’autre côté, être dans la conciliation ou dans le charme, attribut réservé aux femmes de prime abord, pourra donner l’envie de vous voir comme fragile ou malléable.
En tant que femmes, on nous a appris à valoriser le relationnel (l’amour, la famille, les amis) et à faire preuve d’empathie, ce qui nous donne selon moi un avantage en terme de communication. La communication permet pour moi de pérenniser une entreprise : si les gens s’épanouissent au travail, qu’ils s’y sentent bien, la force d’une entreprise réside dans les personnes qui en font partie.
Enfin, comme nous devons faire face aux problèmes logistiques et ménagers du quotidien, les femmes développent leur vision à long terme. Nous devons chercher à comprendre ce qui structurellement cloche pour trouver et mettre en place une solution.
- Quels seraient les trois conseils que vous donneriez à une femme entrepreneure ?
Dans un premier temps, il faut concilier entrepreneuriat et vie personnelle, ne surtout pas oublier cette dernière. L’entrepreneuriat, comme un enfant, chamboule les repères et très vite, le temps n’a plus la même valeur. Quand on devient entrepreneur, on déborde d’énergie et l’on se dit que l’on va se donner à fond, sans prendre en compte le besoin de se reposer et de s’accorder du temps personnel qualitatif. Il faut se demander quelles sont les choses sur lesquelles on ne souhaite pas rogner : avoir son samedi soir, faire du sport deux fois par semaine…
Ensuite, il ne faut pas se focaliser sur le sexisme ambiant et les remarques peu positives : cela ne sert à rien de s’obstiner à prouver à quelqu’un, qui refusera de l’entendre, que vous êtes l’entrepreneuse idéale. Faites-le pour vous, non pour convaincre l’autre.
Enfin, conserver la volonté d’échanger. La communication, la recherche de compromis, de valoriser l’autre, tout ce qui fait un management plus humain, sera une de vos armes les plus puissantes. Ce qui permet à une entreprise d’être pérenne sur le long terme est le management et la place que l’on donne à l’humain.
- Quel(s) challenge(s) avez-vous souhaité relever avec votre entreprise?
J’avais envie de créer un lieu dont je puisse être fière et dans lequel j’aurai aimé aller objectivement en tant que cliente. J’étais terrifiée au moment de lancer le Politicafé : on peut entreprendre en ayant la trouille !
bien au Politicafé qu’en séance d’astrologie ou via les retours sur mon podcast. Concernant mon restaurant, des habitués viennent toutes les semaines et en partant, me remercient en disant qu’ils ont passé un très bon moment. A titre personnel, je ne suis pas encore satisfaite mais ce sont ces moments-là qui me confirment que c’est une belle réussite.
Après avoir commencé les consultations, j’ai eu des retours positifs et des messages concernant les podcasts. Entreprendre est toujours un prétexte pour quelque chose : il faut juste comprendre de quoi. Pour moi, il s’agissait d’un contact de qualité avec les gens.
- Quelle est la femme entrepreneure qui vous inspire le plus ?
Hapsatou Sy. Elle a su se renouveler après la faillite de sa première entreprise et a participé au podcast sur l’art d’échouer, “La Leçon”. Elle rappelle ainsi que l’échec fait partie de l’aventure entrepreneuriale, ce qui est largement sous-estimé en France.Claire Nouvian est la fondatrice de l’association Bloom, qui défend une pêche durable. Elle a affronté les lobbys européens et témoigne d’une volonté qui force l’admiration.
- Quels sont les problèmes que vous avez rencontré en tant que femme au moment de la création de votre entreprise ?
J’ai dû faire face à une certaine défiance de la part des banques et organismes financiers. On m’a demandé à plusieurs reprises si je comptais avoir des enfants bientôt, ce qui sous-entendait que mon entreprise allait être moins fiable et pérenne dans le temps. Mon compagnon de l’époque lançait lui aussi au même moment sa structure : personne ne lui a posé cette question.
- Quelles ressources auriez-vous aimé avoir à disposition pour vous accompagner dans la création de votre entreprise ?
J’aurai aimé, et souhaite toujours, disposer de réseaux féminins plus performants, qui ne soient pas à disposition des cadres supérieurs uniquement. Les réseaux professionnels dans le secteur de la restauration sont majoritairement masculins : souhaitant valoriser la solidarité féminine, je ne dispose pas d’un réseau où poster une offre d’emploi et où j’aurai l’assurance de pouvoir recruter une femme.
- Comment voyez-vous le monde après le virus ?
Cette crise est intéressante car nous ne pouvons rien prévoir : il s’agit d’une première. Il est encore trop tôt pour se faire une idée précise de ce à quoi ressemblera le monde après le virus.Cela dépend d’innombrables choses : quelles seront les réponses apportées par le gouvernement, comment les pays dont nous sommes interdépendants réagiront, comment nous allons sortir de la crise… Selon moi, les effets positifs ne seront visibles que si nous prenons du temps à sortir de la crise. Si nous en sortons trop rapidement, nous allons retomber à la même vitesse dans nos vieux travers.
Notre manière de consommer risque d’être chamboulée : il s’agit de l’occasion de prendre conscience de la valeur des choses. Partir à l’étranger deviendra exceptionnel et précieux tandis que manger biologique et local aura plus de sens.
Je pense qu’il faudra apprendre de toutes nos erreurs, qui sont ici clairement mises en lumière.