« Les femmes doivent apprendre à s’affranchir des critiques dites « bienveillantes » de certaines personnes de leur entourage. Celles-ci s’avèrent souvent dévalorisantes et humiliantes : elles rabaissent et font de la femme une « non-sachante ».
- Qui êtes-vous ?
Je suis sophrologue expert, praticienne en hypnose depuis maintenant cinq ans. J’ai une expertise dans la gestion des stress post-traumatiques en lien notamment avec le cancer ettous les traumatismes que peuvent vivre les femmes (maltraitances physiques ou émotionnelles, fausse-couches, avortement…). Autrice d’un livre sur l’intérêt de la sophrologie dans le cancer du sein, je donne également des cours à la faculté de médecine de Saint-Quentin en Yvelines et suis formatrice à l’Académie de Sophrologie de Paris 15ème.
- Quel a été votre parcours ?
Âgée aujourd’hui de 56 ans, j’ai géré de mes 20 à 27 ans un Centre de Fécondation In Vitro à Rennes. Je me suis ensuite occupée de la vie de mes enfants, de façon à ce que, eux, aillent bien. Nos nombreux déménagements pour suivre l’activité professionnelle de mon mari m’ont empêchée de trouver un emploi fixe. J’ai travaillé en free-lance dans l’évènementiel puis j’ai créé ma micro-entreprise, spécialisée dans la fabrication d’objets de décoration.
Au fur et à mesure des années, je me suis aperçue que je n’existais plus pour la société : j’étais devenue « la mère de », « l’épouse de », « l’amie de ».. Je n’existais plus pour moi : je disparaissais en quelque sorte. C’est toute la problématique de la femme qui ne travaille pas ou ne travaille plus : vous n’avez pas de revenu, vous devenez « dépendante » financièrement et imperceptiblement, au gré des réflexions, vous vous sentez dévalorisée. Vous ne savez plus de quelle manière revenir dans ce monde actif. Vous n’avez plus de place.
Reprendre mes études à 49 ans n’a pas été facile, même si je savais vers quoi je souhaitais m’orienter : le milieu paramédical avec les médecines douces et les soins de support. Ce secteur est aujourd’hui en train d’exploser : les personnes commencent à admettre qu’elles doivent « réapprendre à Être et arrêter d’être tout le temps dans le Faire ».
- Pourquoi avoir lancé votre structure ?
Le but était d’être valorisée. Le problème de la femme au foyer est qu’elle ne l’est pas : elle fait partie des meubles et toutes ses actions relèvent de la normalité. Les femmes au foyer en finissent par quémander de la reconnaissance et cela devient, à la longue, extrêmement dévalorisant. Des réflexions désobligeantes peuvent également venir entacher l’image de soi et empêchent ensuite d’avoir l’énergie pour se battre.
Le besoin de lancer ma structure était, donc, de sortir d’un cercle vicieux dans lequel j’étais rentrée sans même le vouloir. De me prouver que, même si je n’avais pas fait d’études longues, j’étais capable de faire quelque chose de bien et d’être aussi utile à la société.
- En quoi être une femme entrepreneure est selon vous un avantage et/ou un inconvénient dans le monde entrepreneurial ?
Les deux. Le problème du monde professionnel est qu’il est très tenu, ficelé et verrouillé par le monde masculin. L’entreprise ne “peut pas” compter sur les « jeunes » femmes car elles risquent d’être absentes (congé maternité ou enfants malades), leur donnant ainsi une image d’elles dévalorisée et dévalorisante.
Les femmes doivent apprendre à s’affranchir des critiques dites « bienveillantes » de certaines personnes de leur entourage. Celles-ci s’avèrent souvent dévalorisantes et humiliantes : elles rabaissent et font de la femme une « non-sachante.
Cependant, la force de la femme dans le milieu entrepreneurial est son sens pratique et sa capacité à gérer plusieurs choses simultanément.
Suite à l’éducation et aux expériences de vie propres à chacunes, les femmes peuvent également développer une écoute empathique et apprendre à être vraies, très spontanées.
- Quels seraient les trois conseils que vous donneriez à une femme entrepreneure ?
Une entreprise devient ce que l’on est. Si vous n’avez pas confiance en vous, cela va être compliqué. Ma première recommandation est d’abord d’apprendre à s’aimer. Plus vous aurez confiance en vous, plus vous serez vraie et spontanée. Ainsi votre interlocuteur saura vous respecter, vous permettant d’avancer à nouveau sereinement : vous serez légitime dans ce que vous entreprendrez.
Mon deuxième conseil serait de ne jamais laisser quelqu’un vous dévaloriser, ne jamais laisser quiconque vous faire douter de vos capacités. Un conseil doit toujours être bienveillant afin d’aider à avancer et non pas moralisateur et rabaissant.
Mon dernier conseil, enfin, est de tout simplement croire en son avenir que l’on construit chaque jour pas à pas : la force de l’instant présent.
- Quel(s) challenge(s) avez-vous souhaité relever avec votre entreprise?
Cela a commencé avec la reprise de mes études à 49 ans. Je voulais me prouver que j’étais capable de retourner à l’école pendant un an et demi ou deux ans, tout en menant de front ma vie de famille avec toute l’intendance que cela implique au quotidien, sans aide, ainsi que le développement de mon entreprise de décoration.
Ensuite, quand j’ai commencé à exercer mon métier en tant que sophrologue expert, le plus important a été de changer mon regard sur moi et d’apprendre à être crédible, ce qui n’a pas été le plus simple après toutes ces années durant lesquelles j’avais fini par croire que je ne savais rien puisque je n’avais pas fait d’études
Mon challenge au quotidien est, désormais, de faire prendre conscience à mes patient.es que tout ce que nous vivons est émotion. Qu’elles ne sont ni positives, ni négatives : elles sont uniquement présentes pour nous faire réagir à quelque chose.
- Quelle a été votre plus belle réussite dans votre carrière de femme entrepreneure ?
Ma plus belle réussite est que mes enfants soient, aujourd’hui, fiers de moi. J’ai pu également montrer à mes proches que l’on est capable d’entreprendre, quelque soit son âge et de se créer une patientèle, à partir de zéro. En un mot, que l’on est capable de réinventer quelque soit son âge, son histoire, les obstacles que l’on rencontre.
Je suis fière également, grâce à mon métier, d’aider les autres, de leur apprendre à avoir de nouveau confiance en eux, en leurs capacités.
- Quelle est la femme entrepreneure qui vous inspire le plus ?
Sophie Rochas, fille du couturier Marcel Rochas, a fondé de nombreuses entreprises à succès. Elle a également créé une fondation, qui est très axée sur l’environnement, la santé et la culture.
J’aimerai également citer Laurence Dumaine Calle, veuve de Robert Calle, ancien directeur de l’Institut Curie. Elle a lancé la maison d’édition 591, spécialisée dans l’art, ainsi que le Prix Littéraire Bob Kahl. Elle travaille aujourd’hui à mettre en avant de jeunes artistes.
Ces deux femmes ont toutes les deux recommencé à zéro plusieurs fois dans leur vie.
- Quels sont les problèmes que vous avez rencontrés en tant que femme au moment de la création de votre entreprise ?
Un de mes premiers et principaux soucis, a été purement matériel, car je n’avais pas d’argent.
Il m’a fallu aussi transgresser une espèce d’interdit : celui de la femme au foyer s’opposant à son mari en lui demandant l’autorisation de reprendre des études, de s’affranchir de sa réponse négative et de « quitter » le foyer pour travailler à l’extérieur, ainsi que les multiples interrogations dûes à un manque de confiance en moi. Il m’a fallu comprendre que, ce à quoi j’aspire aujourd’hui, j’y ai droit : le droit d’exister à part entière.
- Quelles ressources auriez-vous aimé avoir à disposition pour vous accompagner dans la création de votre entreprise ?
Très simplement : du temps. Le quotidien d’une femme entrepreneure et mère de famille n’est pas simple. Vous dormez quatre heures par nuit et vous passez votre temps à réviser, à aller en cours, tenter de développer votre micro-entreprise, vous devez gérer les préoccupations des enfants, le quotidien, les soucis de santé, l’épuisement car vous ne vous permettez que peu de temps pour vous reposer. La culpabilité n’aide pas et les journées n’ont que vingt-quatre heures.
Ensuite, je dirai davantage de personnes encourageantes, bienveillantes, qui vous valorisent au sein de votre entourage. Ces proches qui vous aident à relever la tête lorsque vous commencez à faiblir. Une épouse qui reprend des études n’est pas toujours bien comprise : c’est surtout interprété comme « un abandon ».
J’aurais aimé avoir de l’aide également sur toute la partie que propose votre association : organisation, gestion, les outils informatiques, les démarches administratives, tout ce que vous ne savez pas faire parce que vous avez été déconnectée du monde entrepreneurial pendant des années. De plus, vos proches ne sont pas toujours disponibles pour vous aider.
- Comment voyez-vous le monde après le virus ?
D’un point de vue humain, il va falloir tirer un certain enseignement de ce confinement. Des victimes d’un stress post traumatique, des angoisses qui vont ressurgir en lien avec des traumas non gérés, enfouis, voir même oubliés, des deuils par milliers vont devoir être accompagnés. J’espère que les gens continueront de prendre conscience que nous avons tous besoin les uns des autres, que le monde dans lequel nous vivons est d’une rapidité démentielle qui n’est absolument pas fait pour la santé de notre corps.
D’un point de vue entrepreneurial, cela va être très long. Malgré tout, des petites entreprises vont tirer leurs épingles du jeu selon moi. Étant très réactives et adaptables, elles vont pouvoir répondre très rapidement aux besoins qui vont émerger. Pour d’autres structures, cela va être dramatique.
Nous allons peut-être aussi nous rendre compte qu’il faut cesser de tout faire fabriquer hors de l’hexagone et de redonner l’occasion à chacun de reprendre sa place en revalorisant l’Humain. Il va falloir que nous apprenions à nous réinventer :le quotidien d’ une femme entrepreneure finalement.